Chapitre premier
S’il m’attrape, je suis morte.
Je courais aussi vite que possible, slalomant entre les arbres, les racines enchevêtrées et les pierres de la forêt. Le monstre qui me pourchassait grogna, et j’entendis qu’il avait gagné du terrain. Je n’arrivais pas à le semer. Il accélérait sans cesse alors que moi, je m’essoufflais.
Entre les arbres qui commençaient à s’espacer devant moi, j’aperçus un vampire blond sur une colline au loin. Je le reconnus tout de suite. L’espoir m’envahit. Si j’arrivais à le rejoindre, je serais sauvée. Il m’aimait. Il me protégerait. Mais j’étais encore si loin de lui.
Une brume commença à recouvrir les pentes de la colline et à s’amasser autour du vampire, lui donnant une apparence fantomatique. Je hurlai son nom tout en entendant le monstre se rapprocher. Paniquée, je fonçai droit devant moi en évitant de peu les mains osseuses qui voulaient m’attirer dans leurs tombes. Redoublant d’efforts, je sprintai en direction du vampire. Ce dernier m’encourageait, tout en grognant des menaces à la créature qui refusait d’abandonner la poursuite.
— Laisse-moi tranquille ! hurlai-je lorsque des mains implacables se refermèrent sur moi et me tirèrent en arrière. Non !
— Chaton !
Le cri ne provenait pas du vampire devant moi, mais du monstre qui me faisait tomber. Je levai vivement la tête vers le vampire au loin, mais ses traits se firent flous puis s’effacèrent complètement, et le brouillard l’enveloppa. Juste avant qu’il disparaisse complètement, j’entendis sa voix.
— Ce n’est pas ton mari, Catherine.
Une secousse brutale fit disparaître les derniers lambeaux de mon rêve, et en me réveillant, je découvris Bones, mon amant vampire, penché au-dessus de moi.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu t’es fait mal ?
Question incongrue, me direz-vous, vu qu’il ne s’agissait que d’un cauchemar. Mais avec la puissance et la magie adéquates, les cauchemars pouvaient se transformer en armes redoutables. Quelques mois auparavant, j’avais failli mourir ainsi. Mais cette fois-ci, c’était différent. Même s’il m’avait semblé extrêmement réel, ce n’avait été qu’un rêve.
— Ça va aller, si tu arrêtes de me secouer.
Bones me lâcha et poussa un soupir de soulagement.
— Tu ne te réveillais pas et tu gesticulais dans tous les sens sur le lit. Ça m’a rappelé de mauvais souvenirs.
— Je vais bien. C’était… un rêve bizarre.
Le vampire qui y était apparu avait quelque chose d’agaçant. Comme si j’avais dû savoir qui il était. Mais c’était absurde, car il était sorti tout droit de mon imagination.
— C’est étrange que je n’aie rien perçu, poursuivit Bones. D’habitude, tes rêves me font l’effet d’une sorte de musique d’ambiance.
Bones était un Maître vampire, plus puissant que la plupart des vampires que j’avais jamais rencontrés. Entre autres dons, il possédait le pouvoir de lire dans les pensées des humains. Même si j’étais à demi-vampire, j’étais suffisamment humaine pour que Bones parvienne à lire dans mon esprit, sauf si je faisais l’effort de le bloquer mentalement. Mais ce qu’il venait de me dire était nouveau pour moi.
— Tu entends mes rêves ? La vache, ça doit être un sacré souk dans ta tête ! Je me tirerais une balle si j’étais à ta place.
Ce qui serait d’ailleurs très loin de lui être fatal. Seules une arme en argent plantée dans le cœur ou la décapitation pouvaient avoir raison d’un vampire. Une balle dans la tête résoudrait mes problèmes de façon permanente, mais ne causerait à Bones qu’une vilaine migraine.
Il se cala de nouveau sur les oreillers.
— T’en fais pas, ma belle. J’ai parlé de musique d’ambiance, donc c’est plutôt apaisant. Pour ce qui est du silence, sur ce bateau, je n’avais jamais connu un tel calme, à part la fois où je me suis retrouvé à moitié flétri.
Je m’allongeai de nouveau, frissonnant à l’évocation de la mort qu’il avait frôlée. Le coup était passé si près que ses cheveux avaient entièrement blanchi, mais ils étaient aujourd’hui revenus à leur belle teinte brune habituelle.
— C’est pour cette raison qu’on dérive sur un bateau en plein milieu de l’Atlantique ? Pour que tu puisses trouver le calme et le silence ?
— Je voulais qu’on passe du temps seuls tous les deux, Chaton. Ça a été si rare ces derniers temps.
Ce n’était rien de le dire. Même si j’avais démissionné de mon poste de responsable d’une branche secrète de la Sécurité intérieure chargée de pourchasser les vampires et les goules hors la loi, je n’avais pas eu le temps de m’ennuyer. Tout d’abord, nous avions dû nous remettre des pertes causées par la guerre que nous avions menée contre un autre Maître vampire l’année précédente. Plusieurs amis de Bones – ainsi que Randy, le mari de ma meilleure amie, Denise – avaient été tués. Ensuite, nous avions passé plusieurs mois à traquer les derniers protagonistes de cette guerre pour les empêcher de comploter de nouveau contre nous. Puis j’avais dû former ma remplaçante, pour que mon oncle Don disposât d’un appât lorsque ses agents s’attaquaient aux membres les plus turbulents du monde des morts-vivants. La plupart des vampires et des goules se nourrissaient sans tuer leurs victimes, mais certains donnaient la mort juste pour le plaisir. Ou par stupidité. Mon oncle était là pour faire en sorte que ceux-là paient pour leurs méfaits… et que les citoyens lambda ne se rendent pas compte de leur existence.
Donc, lorsque Bones m’avait annoncé que nous partions faire une croisière, je m’étais dit que c’était pour nous lancer dans une nouvelle traque. Voyager pour le plaisir était une notion totalement inédite dans notre relation.
— On s’évade le temps d’un week-end ? demandai-je d’un ton incrédule.
Il me caressa la lèvre inférieure du doigt.
— Ce sont nos vacances, Chaton.
J’étais complètement éberluée.
— Et mon chat ?
Je lui avais laissé de quoi manger pendant quelques jours, mais pas le temps d’un long voyage.
— Ne t’inquiète pas. J’ai envoyé quelqu’un chez nous pour s’occuper de lui. On peut aller à l’autre bout du monde en prenant tout notre temps. Alors dis-moi, où veux-tu qu’on aille ?
— À Paris.
Je me surpris moi-même en le disant. Je n’avais jamais vraiment éprouvé le désir de m’y rendre jusqu’à présent, mais pour je ne sais quelle raison, j’en avais subitement très envie. Peut-être était-ce parce que Paris est censée être la ville des amoureux, même si le simple fait de regarder Bones suffisait généralement à me rendre d’humeur romantique.
Il avait dû entendre ma pensée, car il sourit, ce qui rendit son visage encore plus époustouflant, à mes yeux en tout cas. Sur le fond bleu marine des draps, sa peau trop parfaite pour être humaine, pâle et soyeuse comme l’albâtre, semblait rayonner. Les draps étaient entortillés en bas de son ventre, ce qui m’offrait une vue imprenable sur son abdomen sculptural et sur sa poitrine ferme et musclée. Des éclats émeraude commencèrent à apparaître dans ses yeux marron foncé, et des canines percèrent sous la courbe de ses lèvres, m’indiquant que je n’étais pas la seule à sentir tout à coup ma température monter.
— Va pour Paris, dans ce cas, murmura-t-il avant de rejeter les draps.
— … nous arriverons bientôt. Oui, elle va très bien, Mencheres. Bon Dieu, vous m’avez appelé presque tous les jours… d’accord, on se retrouve au port.
Bones raccrocha et secoua la tête.
— Soit mon grand-père nous cache quelque chose, soit il a développé une obsession malsaine pour tes moindres faits et gestes.
Je m’étirai dans le hamac fixé sur le pont.
— La prochaine fois, passe-le-moi. Je lui dirai que ma vie n’a jamais été aussi belle.
En effet, les trois semaines qui venaient de s’écouler avaient été merveilleuses. J’avais eu besoin de vacances, et Bones encore plus. En tant que Maître d’une grande lignée et Maître associé d’une seconde encore plus importante, Bones était constamment surveillé, jugé, défié, ou occupé à protéger ses subordonnés. Toutes ces responsabilités finissaient par lui peser. Cela ne faisait que quelques jours qu’il avait réussi à se détendre suffisamment pour dormir plus que ses quelques heures habituelles.
Un seul nuage venait entacher cette croisière idyllique, mais je n’en avais pas parlé. Pourquoi gâcher nos vacances en disant à Bones que j’avais eu plusieurs autres rêves ridicules sans queue ni tête ?
Les fois suivantes, il ne s’en aperçut pas davantage. Ce qui signifiait sûrement que je ne donnais plus de coups de pied dans mon sommeil. Je ne m’en souvenais quasiment plus au réveil, tout ce que je savais, c’était que le vampire blond sans visage qui m’était apparu lors du premier rêve y jouait toujours un rôle. Celui qui m’appelait par mon vrai nom, Catherine, et qui disparaissait toujours avec la même phrase énigmatique : « Ce n’est pas ton mari. »
Selon les lois humaines, Bones n’était effectivement pas mon mari. Mais nous étions unis par le sang et mariés à la mode vampire, et le divorce n’existait pas chez les morts-vivants. Ces derniers prenaient vraiment l’expression « jusqu’à ce que la mort nous sépare » au pied de la lettre. Mes rêves traduisaient peut-être un désir subconscient de mariage traditionnel. La dernière fois que nous avions réfléchi à organiser une cérémonie classique, nous avions dû y renoncer à cause de la guerre que nous avait déclarée une vampire férue de magie noire.
Mencheres nous attendait sur le quai. Il paraissait aussi jeune que Bones, même si ce dernier l’appelait « Grand-père », car il avait créé le vampire qui l’avait à son tour transformé. Ils devaient certainement avoir le même âge en années humaines lorsqu’ils avaient été changés. En outre, Mencheres avait une beauté exotique, avec un port royal, des traits égyptiens et de longs cheveux noirs qui volaient au vent.
Mais ce qui retint véritablement mon attention, ce fut de voir les huit Maîtres vampires qui l’accompagnaient. Avant même de descendre du bateau, je sentis leur puissance combinée faire crépiter l’air comme de l’électricité statique. D’accord, Mencheres se déplaçait rarement sans sa cour, mais ces huit vampires faisaient plus penser à des gardes du corps qu’à des groupies d’outre-tombe.
Bones s’avança vers Mencheres et lui donna une brève accolade.
— Bonjour, Grand-père. Comme ils ne sont certainement pas là pour faire joli, dit-il en désignant du menton les vampires qui attendaient, j’imagine qu’il se passe quelque chose.
Mencheres hocha la tête.
— Il faut qu’on parte. Ce bateau trahit beaucoup trop ta présence.
Faucheuse était peint en lettres écarlates sur la coque. C’était un hommage à mon surnom, la Faucheuse rousse, en référence à la couleur de mes cheveux et au nombre élevé de cadavres de morts-vivants que j’avais semés sur mon passage.
Mencheres se contenta de m’adresser un bonjour rapide et poli alors que nous traversions l’appontement jusqu’à un van noir. Six des gardes s’engouffrèrent dans un second véhicule identique. Lorsque nous démarrâmes, ils nous suivirent à courte distance.
— Parle-moi de tes rêves, Cat, dit Mencheres dès que nous commençâmes à rouler.
Je le regardai, bouche bée.
— Comment êtes-vous au courant ?
Bones semblait abasourdi, lui aussi.
— Je ne lui en ai pas parlé, Chaton.
Mencheres ne prêta aucune attention à notre échange.
— De quelle nature sont tes rêves ? Décris-les-moi le plus précisément possible.
— Ils sont étranges, commençai-je, et Bones haussa les sourcils en entendant l’usage du pluriel. C’est toujours le même vampire qui y apparaît. Pendant les rêves, je sais qui il est. Je peux même m’entendre prononcer son nom, mais au réveil, je ne m’en souviens plus.
Mencheres parut presque alarmé par mes paroles. Bien entendu, je ne le connaissais pas assez bien pour le dire avec certitude. Mencheres avait plus de quatre mille ans et était passé maître dans l’art de camoufler ses émotions, mais il me sembla que sa bouche s’était crispée l’espace d’un instant. Ou peut-être la luminosité me jouait-elle des tours ?
— Combien de fois as-tu fait ce rêve ? demanda Bones.
Il n’était pas content. La manière dont ses lèvres se serrèrent n’était de toute évidence pas due à la luminosité.
— Quatre, et ne commence pas. Tu nous aurais fait foncer jusqu’au bunker le plus proche si je t’en avais parlé, et tu ne m’aurais plus lâchée d’une semelle, de jour comme de nuit. Nos vacances étaient tellement agréables que je n’en ai pas parlé. Rien de grave.
Il ricana.
— Rien de grave, dit-il. Maintenant, ma belle, on va vraiment voir à quel point c’est grave. Avec un peu de chance, ça ne te coûtera pas ta jolie tête de mule. (Il se tourna ensuite vers Mencheres.) Vous saviez que quelque chose n’allait pas. Pourquoi ne m’en avez-vous pas parlé sans attendre ?
Mencheres se pencha en avant.
— La vie de Cat n’est pas en danger. Néanmoins, il y a un… petit souci. J’avais espéré que cette conversation ne serait pas nécessaire.
— Pour une fois, est-ce que vous pourriez cracher le morceau sans nous faire mariner ?
Mencheres avait pour habitude de tourner longtemps autour du pot. Depuis le temps qu’il était sur cette Terre, il avait dû emmagasiner une quantité de patience inconcevable.
— Avez-vous déjà entendu parler d’un vampire du nom de Gregor ?
Je ressentis une douleur fugace à la tête qui disparut si vite que je regardai autour de moi pour voir si j’avais été la seule à en souffrir. Mencheres me regardait fixement comme s’il essayait de pénétrer jusqu’aux tréfonds de mon esprit. À côté de moi, Bones poussa un juron.
— Je connais quelques Gregor, mais un seul que l’on surnomme le Marchand de sable. (Il abattit son poing sur l’accoudoir et le démolit.) Vous estimez que cela ne représente pas de danger pour ma femme ?
— Je ne suis pas ta femme.
Bones me lança un regard stupéfait alors que je portais une main à ma bouche. Qu’est-ce qui avait bien pu me pousser à dire ça ?
— Qu’est-ce que tu viens de dire ? demanda Bones d’un ton incrédule.
Abasourdie, je me mis à bafouiller.
— Je-je veux dire… la seule chose dont je me souvienne dans mes rêves, c’est de ce vampire en train de me dire « Ce n’est pas ton mari ». Et je sais qu’il parle de toi, Bones. C’est ça que je voulais dire.
Bones donnait l’impression que je venais de le poignarder, alors que l’expression du visage de Mencheres était à la fois calme et indéchiffrable. Il ne laissait rien transparaître.
— Vous savez, on dirait que chaque fois que les choses vont vraiment bien entre nous, vous débarquez pour tout foutre en l’air ! explosai-je à l’intention de Mencheres.
— Tu as choisi de venir à Paris, comme par hasard, répondit ce dernier.
— Et alors ? Vous avez quelque chose contre les Français ?
Je sentis monter une colère irrationnelle contre lui. Un cri se mit à enfler en moi. Vous ne pouvez pas nous foutre la paix ?
Puis je me repris. Qu’est-ce qui était en train de m’arriver ? Une crise de syndrome prémenstruel excessivement violente, ou un truc de ce genre ?
Mencheres se massa les tempes. Ses traits finement ciselés m’apparurent de profil lorsqu’il détourna la tête.
— Paris est une belle ville. Amusez-vous bien. Visitez tout ce qu’il y a à voir. Mais ne sortez jamais seuls, et si jamais tu rêves de nouveau de Gregor, Cat, ne le laisse pas te toucher. Si tu le vois en rêve, enfuis-toi.
— Ouais, si vous comptiez vous en sortir avec ce genre de baratin vague, c’est loupé, dis-je. Qui est Gregor ? pourquoi est-ce que je rêve de lui ? et pourquoi est-ce qu’on l’appelle le Marchand de sable ?
— Et surtout, pourquoi refait-il surface aujourd’hui pour s’en prendre à elle ? ajouta Bones d’une voix aussi froide que de la glace. Personne n’avait vu ou entendu parler de Gregor depuis plus de dix ans. Je pensais qu’il était mort.
— Il n’est pas mort, répondit Mencheres d’une voix légèrement sinistre. Gregor, tout comme moi, a des visions du futur. Il a essayé d’altérer l’avenir à la suite de l’une de ces visions. Lorsque je l’ai appris, je l’ai emprisonné pour le punir.
— Et qu’est-ce qu’il veut à ma femme ?
Bones accentua ces mots tout en me regardant, le sourcil dressé, comme pour me mettre au défi de contester ce titre. Je ne dis rien.
— Il a vu Cat dans l’une de ses visions, et il a décidé qu’il la désirait, répondit calmement Mencheres. Ensuite, il a découvert que tu te lierais à elle par le sang. Aux alentours du seizième anniversaire de Cat, Gregor a tenté de la localiser et de l’enlever. Son plan était très simple : si elle ne te rencontrait pas, elle serait à lui, pas à toi.
— Espèce de petit salopard sournois, articula Bones alors que je restais bouche bée. Je le féliciterai pour son ingéniosité… pendant que je lui arracherai le cœur avec une lame en argent.
— Ne sous-estime pas Gregor, dit Mencheres. Il a réussi à s’évader de ma prison le mois dernier, et je ne sais toujours pas comment. Gregor semble plus obnubilé par Cat en elle-même que par l’envie de se venger de ce que je lui ai fait. À ma connaissance, elle est la seule personne qu’il ait contactée en rêve depuis son évasion.
Pourquoi est-ce que tous ces malades de vampires me prennent pour un objet de collection ? Le fait d’être l’une des seules hybrides connues m’avait valu une quantité d’ennuis inimaginables. Gregor n’était pas le premier à me considérer comme une sorte de jouet exotique, mais je devais reconnaître que le plan qu’il avait concocté pour s’emparer de moi était de loin le plus original.
— Et vous avez emprisonné Gregor pendant une dizaine d’années juste pour l’empêcher de modifier mon avenir avec Bones ? lui demandai-je, ouvertement sceptique. Pourquoi ? Vous n’avez pas fait grand-chose pour arrêter Ian, le créateur de Bones, lorsqu’il a voulu faire la même chose.
Mencheres cessa de me dévisager et tourna ses yeux couleur acier vers Bones.
— L’enjeu était plus important, finit-il par répondre. Si tu n’avais jamais rencontré Bones, il serait peut-être resté plus longtemps sous la coupe de Ian et n’aurait pas revendiqué sa liberté pour fonder sa propre lignée, et par conséquent il n’aurait pas pu devenir Maître associé de la mienne lorsque j’aurais eu besoin de lui. Je ne pouvais pas prendre ce risque.
Il n’avait donc pas agi par bonté d’âme pour sauver notre amour. Cela aurait été trop beau. Les vampires faisaient très rarement preuve d’altruisme dans leurs décisions.
— Que se passera-t-il si Gregor me touche dans un rêve ? demandai-je pour ne pas m’appesantir là-dessus. Qu’est-ce qui m’arrivera ?
Ce fut Bones qui me répondit, et l’intensité brûlante de son regard aurait eu de quoi me calciner la peau du visage.
— Si Gregor s’empare de toi en rêve, à ton réveil tu seras avec lui, là où il se trouve. C’est pour ça qu’on l’appelle le Marchand de sable. Il peut enlever les gens dans leurs songes.